Au fil du temps le championnat F1 Legends est devenu incontournable au sein du petit monde de GPL, accueillant, comme les compétitions anglaises ou allemandes, bon nombre de pilotes venant d'au-delà de la sphère francophone. Suisse, il a toujours compté quelques belges (moins ces derniers temps) et une grande majorité de français, la communauté française étant encore une des plus actives.
Petit à petit, le nombre de championnats diminuant, rares sont ceux pouvant se vanter de répartir les compétiteurs sur plusieurs niveaux. Plusieurs serveurs, le nombre de participants étant techniquement limité à des groupes de 19 (ou 20) maximum. Plusieurs divisions donc, celles ci étant, comme partout, réparties par niveaux, même si ce niveau est, ici, à géométrie variable, changeant à chaque course au gré des châssis choisis, ainsi qu'en raison de la qualité d'entraînement de chacun. Pas de serveurs A ou B donc, mais bien une D1 ou une D2. D3, même, il y à encore à peine plus d'un an chez F1 Legends, ou les années précédentes, et plus, jusqu'à 5 en 2009.
Actuellement, donc, c'est sur deux niveaux que l'on s'égaille toutes les deux ou trois semaines chez F1 Legends. Accrocher la D1 est, pour moi en tous cas, toujours un challenge qui me motive, d'autant plus que je n'y suis pas abonné, n'y étant parvenu qu'une fois sur deux l'année dernière et une fois cette année avant la 5è manche, celle qui nous occupe ici, à Spa. Spa est un circuit que j'apprécie beaucoup comme nombre de circuits rapides. J'aime les sensations qu'on y trouve et aussi, surtout, cette impression de vitesse, un peu grisante. Je l'apprécie aussi parce que l'on y bataille moins qu'ailleurs avec son levier de vitesse et avec ses pédales, trois en l'occurrence pour moi, puisque je joue avec l'embrayage. On y est loin, heureusement, de Monaco et de son "enfer" dans ce domaine.
Rouler "sur le 1" est donc, pour moi, une satisfaction en soi dans ce championnat puisque, outre les points "serveur" à glaner en finissant l'épreuve, j'y ai l'impression d'avoir déjà gagné une bataille sur moi-même en m'étant correctement entraîné. Une bataille sur les autres aussi, évidemment, même si le choix de la voiture utilisée est évidemment prépondérant. Difficile, pour moi, par exemple cette fois, d'espérer y parvenir en ne sélectionnant pas l'Eagle, reine de Spa.
Je vois souvent, excusez-moi cette digression, la compétition automobile (virtuelle ou non) comme assez proche de ce qu'on rencontre dans le tennis, le vrai, en ce qui concerne la structure hiérarchique. Certains pilotes sont appelés, vu leur niveau, à figurer fréquemment sur le podium en D1, comme certains joueurs occupent régulièrement ce qu'on appelle le "dernier carré", la demi-finale d'un tournoi. Pour GPL on étalonne les pilotes commodément avec le GPL rank et là, avec son -88, Tom Guérout à son rond de serviette à la table et est présent sauf quand il se prend les pieds dans le tapis, et c'est rare. Derrière lui c'est Olivier Roméo et Patrick Cornu (au delà des -65) qui "disposent" d'une accréditation pour ce carré VIP virtuel, puis viennent deux ou trois autres pilotes, également au-delà des -60 (Douet, Lenclen, Vanmullem) qui peuvent prétendre eux aussi à un, deux, trois podiums dans le meilleur des cas. En dessous d'un handicap de -60 (K.O., etc...) on voit qu'il y déjà beaucoup plus d'appelés que d'élus. Pensez donc, il faut devancer au moins quatre des six pilotes précités. Déjà pas une mince affaire.
Ils sont une demi-douzaine environ, ensuite, les -40/-60, à batailler entre eux, déjà, avant même de penser à aller s'immiscer dans les affaires du groupe du dessus. A lutter pour une place d'honneur. Sans même parler d'autres cadors qui passent une tête de temps en temps, venant d'autres ligues, ou, pourquoi pas, du passé, pour humer l'air de cette ligue hors norme. Albert Laigle (-27, -40 ?) sort parfois son épingle du jeu quand Jonny O, crédité d'un -38, va faire l'exploit une fois par an. Au delà c'est morne plaine, finir sur le podium, relève du miracle. Même des Warm Up (-44) ou Pascal Fournier (-42), diablement véloces, n'ont pu que très récemment réussir cette prouesse.
Ce long préambule pour recadrer les choses, cadrer le résultat récent qui m'amène à reprendre cette rubrique abandonnée depuis bien longtemps. Ce podium. Moi ? Sur le 1 ? Vous êtes sérieux les gars ! Comment l'envisager ? Ne serais-ce qu'en rêver ? Je garde la tête froide mais savoure quand même ma grande chance. Je n'oublie pas que je suis bien sur ce circuit, que j'y ai gagné l'année d'avant sur "le 2" en ayant bien joué le coup mais, justement, accrochant le premier niveau je n'ai aucune pression. Je suis là pour bien figurer mais finir est mon ambition unique, l'ambition initiale en tous cas. Je sais bien que je ne suis qu'un "petit" "-3" même si, in fine, je vaudrais peut-être plus un "-15" si je me décidais à essayer de vaincre mes blocages sur le Ring et si je parvenais a y faire un temps conforme à ceux que j'ai déjà réalisé sur les autres pistes du Rank. Avec ce niveau j'ai aussi en tête que je n'ai fait que deux 6è place sur le 1. De quoi me dire, avant la course, que je vise au mieux une 5è place si la course voulait bien se goupiller. Si tous s'emboîtait comme il faut. Et de la réussite il va en falloir.
Au-delà, on est, comme l'invoquent les apprentis astrologue, sur un "alignement parfait des planètes" quand ils évoquent une baraka allant au-delà de toute logique. Tout commence pour moi par un listing des absents : Libourel revenu récemment mais pas là, Verplanken devant revenir mais pas encore, Douet, Fournié et Fournier, Halbheer, Lenclen, Rochette et Roget, autant de compétiteurs dont je ne vois que les tuyères, habituellement, sauf quand j'ai entre les mains une voiture bien supérieure, et encore... Malgré tout cela, je ne me classe lors des pré-qualifications qu'en 10è position en signant un 3'22"7, à un dixième de mon pb de 2016. A ma grande surprise je devance Maurice, pourtant avec la même monture, de deux bonne secondes : il n'a pas du forcer, pensais-je alors, quand, dans le même temps, Bilodeau, un de mes opposants habituels, se contente d'un 3'25"3 en Ferrari. Rainier (en Ferrari aussi) et Alvaro (Honda), sont, eux restés en D2. Je n'ai pas non plus dans les pattes Sounier, sur le 2 aussi, ou M Phiphi, absent pour sa part, autant d'adversaires avec lesquels les batailles sont souvent incertaines. Ratant le 1, aussi, de pas grand chose, un ténor comme Spada plombé par le choix d'une Honda bourrée de saké (facile mais je n'y résiste pas), ne sera pas non plus sur la même piste pour me prendre une place sans coup férir. Ou alors, à distance. Fichu chrono ! Nahimovitch, enfin, signant un temps indigne de son niveau, presque une provocation, s'est privé tout seul d'une place logique au niveau supérieur. Tant mieux pour moi !
Le soir fatidique venu, je ne suis pas trop mal lors des essais mais ne fais pas d'étincelles non plus et dois me contenter d'un 3'23"2 qui, malgré tout, me fait gagner une place, Jonny O ayant, probablement, complètement foiré sa session. Un pb, ou presque, et j'aurais pu m'élancer 6è (Waow !) en devançant Warm Up et son "modeste" 3'22"7 mais je n'y pense pas longtemps. Ce n'est plus le temps des regrets, il faut surtout se concentrer sur ce que va être le départ. En Eagle je sais que je peux décoller correctement mais là n'est pas le problème dans l'immédiat. Non, ce qui me préocupe c'est de comprendre que je vais partir derrière une ligne constituée de Vanmullem et Roméo. Eux ne m'angoissent guère, ce ne sont pas des perdreaux de l'année, mais ils vont s'élancer tous deux en Honda et c'est là que tout peut se compliquer. Est-ce que je ne vais pas me prendre une voiture sur la tronche, venue de derrière ? Maurice et Bilodeau sont fiables, mais quid de Jonny O et Silva ? J'ignore complètement comment ils se comportent lors des phases de départ et, tous deux en Eagle, ne vont-ils pas pas partir comme des feux follets, mettant en danger toute la fin de grille ?
Devant, Laigle à cassé la baraque en Brm avec le 4è temps et précède un petit nouveau, Phil Ebarti, qui semble prometteur et prêt à en découdre avec les meilleurs. Fébrile cependant, j'imagine, puisqu'au loin, le drapeau non encore abaissé, il a déjà lâché les gaz, et la rampe par la même occasion. C'est le métier qui rentre et le drapeau noir qui tombe, au passage, pour lui, effaçant le vert de tous les espoirs, faute d'avoir fait l'arrêt aux stands de rigueur pour purger sa pénalité de faux départ. Un adversaire qui mord la poussière, le malheur des uns faisant le bonheur des autres. Moi je serre les fesses, garde les yeux biens ouverts, essayant de voir comment se comportent les Honda devant et les Eagle derrière. Très vite, Maurice, parti à mes côtés, et moins timoré, se laisse glisser vers l'avant et prends le sillage de Roméo. Frustré un instant je me dis immédiatement que Maurice étant intrinsèquement beaucoup plus rapide que moi il vaut mieux finalement qu'il soit devant moi et qu'il puisse en quelque sorte m'ouvrir la route. Un adversaire en moins à surveiller. Je passe rapidement à autre chose et me concentre sur le déroulement de ce premier tour, toujours crucial, me réjouissant que rien de fâcheux ne se soit produit pendant les premiers hectomètres.
Je reste très prudent pendant cette première boucle, d'autant que les subtiles différences entre cette "nouvelle" version du circuit et son homologue Papyrus ne sont probablement pas complètement intégrées par tous, faible taux d'entraînement oblige. Pensez donc, avec trois séances d'une heure lors des préquals (mercredi, jeudi, vendredi), j'étais rien moins que le 3è pilote en nombre de kms parcourus sur le serveur officiel de qualification. Au 3è tour je passe Laigle, plombé par sa Brm gorgée d'essence, avant qu'il n'abandonne sur freeze, et, dans la foulée, David Vanmullem qui venait de se sortir.
Au 5è tour Kram Ortisseur est lui aussi victime d'un freeze et je me retrouve donc déjà 5è. A la fin du tour je fais la jonction avec Warm Up qui, en Eagle, poursuit Roméo qui peine à lui résister en Honda. Warm up passe au tour suivant et je vais suivre à mon tour, à ma grande surprise, un Roméo plus pénalisé par sa japonaise que je ne l'aurais cru. Je n'ai pas l'impression de pouvoir l'attaquer mais l'aubaine est énorme. Je me laisse "tracter" et petit à petit on prend de l'avance sur celui qui est derrière moi, Jonny O. J'essaie de garder la tête froide car j'ai alors conscience que finalement, une 4è place est déjà possible, si je reste au contact de Roméo et si Jonny O n'arrive pas à nous ramarrer. De deux secondes l'écart est passé à treize avec le brésilien en cinq rounds et, au 9è, Roméo se loupe à "La Carrière", sans se sortir mais assez quand même pour que je puisse le passer dans la ligne droite qui va vers Blanchimont. J'entame la deuxième moitié de la course en 4è position et avec à mes basques, à moins de deux secondes, un Roméo dont j'imagine qu'il va se sortir les tripes pour ne pas me lâcher. Au 11è tour je passe Warm Up sans m'en rendre compte tout de suite, vu qu'il s'est sorti mais que sa voiture est retirée du bas-côté juste avant que je ne passe.
Ne pas faire le con, ne pas penser à Roméo mais surtout ne pas se louper et permettre à Jonny O de revenir. Ne pas penser que je suis virtuellement sur le podium. La course est encore très très longue et ça va se jouer à l'usure désormais. Au début du 12è tour j'ai conforté d'un poil mon avance qui passe à deux secondes et demi sur la Honda. Je ne m'en rends pas compte non plus mais Roméo se loupe alors complètement à "l'eau rouge" et frôle l'abandon, perdant une bonne quarantaine de secondes en deux temps avant de reprendre réellement la course. Il comptait une trentaine de secondes d'avance sur Bilodeau, débarrassé de Jonny O, et compte dès lors une dizaine de secondes de retard sur le canadien. Moi, j'entame donc le dernier tiers de la course en 3è position avec une quarantaine de secondes d'avance sur Bilodeau et une cinquantaine de retard sur Cornu, alors second. Dès lors je roule contre moi-même et des pensées parasites. Ne pas songer à la place qui m'attend, ne plus prendre aucun risque inconsidéré. Seulement garder un œil, à chaque tour, sur les écarts avec ceux qui suivent et tenir jusqu'au bout. Vers la fin je lève complètement le pied, craignant aussi pour mon moteur et l'essence, tournant en 3'32 au lieu de 3'26 mais ne perdant finalement qu'une quinzaine de secondes sur Bilodeau dans les quatre derniers tours. Le canadien contient de peu Roméo et va chercher lui aussi son meilleur résultat en carrière. Bien joué !
Pour moi c'est évidemment loin d'être une course parfaite puisque j'ai tourné, même en tenant compte de la fin "lâchée", près d'une quinzaine de secondes plus lentement qu'en 2016, mais le résultat, lui, est tellement incroyable que ça valait bien un récit fusse-t-il un peu long. J'espère que vous aurez eu au moins un peu du plaisir à lire le déroulement de cette course que j'en ai eu à la vivre.
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